Journal de la Mini Max
3-11 juillet 2004
Course en double
de 500 milles, une escale
Port-Camargue — Alcudia (Majorque) — Port-Camargue
L’objectif
d’assurer et finir la course pour la qualification à
la Transat est atteint (10e).
Préparation
Mon objectif est simplement d'éviter la casse et de terminer la
course (pas
dernier quand-même !), afin de remplir une partie des conditions
de qualifications
pour la course transatlantique. Le génois (voile d'avant) de Totem (mon
voilier) est un peu déformé par l'usure, ce qui n'est pas
idéal
pour les performances. De plus, mon équipière,
Aurélie, n'est jamais montée
sur Totem (mon voilier), ni sur un voilier comparable ; mais comme elle a
beaucoup navigué au large, je suis confiant quant à cet objectif.
J'arrive 3
jours en avance, comme d'habitude, pour les contrôles de sécurité
(où l'organisation vérifie que le voilier est
convenablement équipé),
le carénage (nettoyer les dessous du voilier pour
améliorer la glisse) et un peu
de bricolage (il y a toujours à réparer ou à améliorer sur
un voilier).
Samedi
3 juillet
Le
départ est donné en début d'après-midi. Des
bouées ont été mouillées pour nous imposer un
tour dans la baie d'Aigues-Mortes avant de prendre le large. Nous sommes
lents aux manoeuvres et plutôt en queue de peloton.
Après la rotation du vent qui se fait comme prévu par la
météo, la navigation
devient un peu monotone : nous allons à peu près tout
droit sur
le seul passage obligé entre les îles de Médes et
le port d'Estartit, juste au sud de la
frontière franco-espagnole. Dans la nuit, l'orientation du vent change
graduellement, et je manque de présence d'esprit : je hisse le gennaker (la
voile d'avant adaptée au vent de travers) bien trop tard.
Dimanche
4 juillet
Au petit matin,
nous apercevons les petits monts qui prolongent les Pyrénées
et tombent dans la mer. A la mi-journée, le vent tombe complètement
et revient graduellement du sud : nous allons tirer des bords (pour remonter contre le vent)
quasiment jusqu'à Majorque. Nous passons entre la côte
et les îles de Médes, sous le contrôle de
l'organisation. Peu après, le
vent forci nettement, canalisé par le relief, et nous devons remplacer le
génois par le solent, plus petit, et prendre deux ris. Puis le vent mollit et
nous remettons de la toile. La météo prévoyant une
rotation
du vent à l'est, nous choisissons d'aller vers le sud-est, et prolongeons ce bord
jusqu'au petit matin.
Lundi
5 juillet
Je commence
à être inquiet car on ne voit plus aucun concurrent, ce
qui est
mauvais signe en général. Le vent tourne effectivent
à l'est dans la journée et
nous hissons gennaker puis le petit spinnaker. Dans l'après-midi,
on commence à apercevoir une masse noire basse sur l'horizon, puis nous
distinguons un premier cap noir, déchiqueté et hostile. Le
deuxième est rond, entouré de vert et accueillant, c'est
celui que
nous devons contourner pour arriver à Alcudia. J'aperçois
deux concurrents
qui rasent la côte, ce qui me rassure un peu. Nous entrons dans la baie
d'Alcudia ; le contraste entre les collines rocheuses et les maquis encore verts
est magnifique. Le vent tombe au moment où nous arrivons, et nous
mettons un peu de temps à couper la ligne d'arrivée. Nous entrons dans le
port à la voile ; plein de concurrents sont déjà
là, mais quelques uns
sont quand-même derrière nous.
Mardi
6 juillet
La course est
aussi ouverte à des voiliers de course-croisière (une quinzaine, pour deux
douzaines de voiliers de 6m50) ; le plus gros est mené par deux
retraités bien sympathiques, qui prennent du bon temps et pêchent le
thon ; ils nous régalent d'un barbecue de steaks tout frais. Le port d'Alcudia
est une colonie germano-anglaise. Nous nous aventurons vers la vieille
ville, qui a beaucoup de charme, et où les touristes saxons sont moins
présents. Un banquet réunissant tous les concurrents clos la
journée.
Mercredi
7 juillet
En raison de la
météo qui annonce du mistral, le départ est
avancé au matin, mais le vent
capricieux est insuffisant, et nous attendons une partie de la
matinée juste devant Alcudia. Une fois partis, le vent rentre d'une nouvelle
direction, nous hissons tous les spinnakers, et le spectacle est
là : une horde de voiliers aux voiles multicolores est lancée
à travers la baie. Nous manquons un peu de chance car nous choisissons le
mauvais côté du plan d'eau, et nous sommes encore dans le peloton de queue. En
fin d'après-midi, la gaine de la drisse degrand-voile se
rompt, ce qui fait que la voile n'est pas hissée jusqu'en haut, et risque de
gêner des réductions de voilure. Je m'énerve un peu
et je
mets plus d'une heure pour réparer. Pendant ce temps-là,
un concurrent nous double, et les
autres nous distancent. La nuit est orageuse, la foudre frappe
à peu de distance et les éclairs nous aveuglent, mais le vent reste mou.
Jeudi
8 et vendredi 9 juillet
Nous voyons la
terre à nouveau ; nous nous rapprochons lentement d'Estartit, devant
laquelle nous devons passer comme à l'aller. Le vent forcit
graduellement. Après le passage obligatoire, un nuage bien noir
se profile
au dessus de la côte. Je prends un deuxième ris (pour
réduire la toile), et de
grosses rafales viennent juste après. Quand nous passons devant le cap Creus
(prolongement des Pyrénées), des périodes de calme
presque
plat alternent avec des périodes où le vent souffle
furieusement, mais la mer est
encore calme. Le vent forcit encore et dépasse nettement les
prévisions. Je vais installer le tourmentin, la voile de
tempête qui porte bien son nom,
et je me fais complètement tremper par les vagues, l'eau est chaude,
mais j'ai froid dans la nuit et j'enfile la combinaison de survie. La
grand-voile est affalée, et je tarde trop à la renvoyer quand le vent mollit
; avec l'avarie de la veille, c'est la raison pour laquelle nous avons
du retard à l'arrivée. Le vent continue à mollirjusqu'à
l'arrivée à Port-Camargue le vendredi vers midi.
A ma surprise,
nous sommes quand-même 10e sur les 14 bateaux de série engagés (deux
d'entre eux ont fait escale pour éviter le gros temps) ; l'honneur est sauf.
Je suis content car j'ai encore appris sur la marche de Totem
à des allures proches du vent de travers, en particulier qu'il faut envoyer
le gennaker plus souvent... la prochaine course est pour la
première quinzaine d'août.