Pacours de qualification Parcours de qualification
Traverser l'Atlantique en solitaire est une expérience extraordinaire où l'on prend son destin en charge : au milieu de l'océan, on ne peut compter sur personne. L'objectif du parcours de qualification — une boucle de 1000 milles nautiques à effectuer en solitaire et sans escale — est de permettre aux candidats à la Transat de prendre conscience de leur véritable niveau technique et de leur aptitude à la navigation en solitaire.

Arezki et Totem ont effectué avec succès le parcours de qualification en 11 jours de mer, malgré une situation météorologique complexe.


Remerciements
Un grand merci à Manuel, mon contact à terre qui m'a suivi et encouragé pendant le parcours, à Bénédicte qui m'a re-donné confiance en moi avant le départ, à Philippe qui m'a conforté dans le choix d'aller d'abord vers l'Italie et à Fabienne et Ronan qui m'ont accompagné après le départ.

Dimanche 19 septembre 2004
Le bateau est déjà quasiment prêt. Un déjeuner au Chris-Mary et une bonne sieste sont les derniers plaisirs de terrien. Les produits frais sont dans la cambuse depuis la veille ; je prends mon temps pour gréer et ranger Totem. Quatres prototypes sont déjà en mer : Jon, Ludovic, Mickael et Nicolas. Je préfère partir plus tard pour éviter la pression ; de toute façons, ces bateaux sont plus rapides que le mien. Départ à la voile en silence dans la petite brise de fin d'après-midi (le moteur est resté à terre). Je retrouve Buffalo (un autre Super Calin) sur l'eau : Fabienne et Ronan m'escortent pendant une demi-heure jusqu'à la bouée de l'Espiguette ; cela adoucit la transition vers la solitude. J'ai choisi de partir d'abord vers l'Italie car la météo annonce du mistral et de la tramontane à partir de mercredi : le retour de l'Espagne pourraît être bien difficile. Le vent forcit dans la nuit et tourne au nord ; Totem allonge la foulée sous un ris (la surface de la grand-voile est légèrment réduite pour s'adapter à la force du vent). Je suis fatigué par la quantité de travail abattu avant mon départ, ce qui fait que, contrairement à mes habitudes je dors bien en mer dès la première nuit. Je me réveille régulièrement pour régler pilote ou voiles et vérifier que je reste à l'écart de la flottille de pêcheurs qui s'étale de Port-Camargue à Marseille.
 
Lundi 20 septembre
Comme je m'y attendais, Gros Charlie — mon pilote automatique principala rendu l'âme. J'installe Petit Charlie (un TP 10) qui ne contrôle pas très bien le bateau alors que nous sommes maintenant au grand-largue (vent venant de l'arrière), ce qui fait que je n'envoie pas le spinnaker (immense — 75 mètre carrés — voile d'avant en forme de bulle) pour aller plus vite. Je passe le cap Sicié en fin de matinée, sous grand-voile haute et génois. Au sud de l'Ile du Levant, la Marine Nationale, visiblement en manoeuvre, me déroute et m'oblige à faire demi-tour pour passer au nord, entre les îles et la côte. Je profite d'un moment de calme pour affaler la grand-voile et réparer l'accroc que j'avais remarqué le matin. Le vent est tombé à force 3/4 et j'envoie le spinnaker, alors que j'aperçois au loin d'autres minis. Pendant la nuit, le vent s'oriente progressivement au sud-ouest ; j'alterne périodes de veille et siestes de 20 minutes pour pouvoir régler le spi.

Mardi 21 septembre
Je suis content d'avoir affalé le spinnaker au bon moment. Totem avance comme une fusée, à 8/9 noeuds de moyenne et rattrape le petit rythme de la nuit ; il pourraît même aller plus vite : si le pilote le tenait je n'aurais pas pris le second ris (diminué la surface de la grand-voile). En début d'après-midi, j'aperçois la Corse. Il y a maintenant force 7 (force pour laquelle il est difficile de marcher contre le vent) et les courtes vagues déferlent joliment. Je suis assez content de ne pas être arrivé jusqu'à ce coin-là lors du (fort) coup de vent de ma première tentative de qualification.  Le vent mollit mais j'attends de m'être pris en photo au passage de la Giraglia pour remettre de la toile. En effet, la comission de qualification à la Transat réclame des photos des marques de passage où l'on reconnaît le voilier et/ou le skipper, outre le livre de bord et deux calculs de navigation astronomique. Bientôt il n'y a quasiment plus de vent ; je réalise que les quatres voiles 3 ou 4 milles devant sont celles de minis : je suis surpris car les conditions étaient propices aux performances d'un prototype. Dans la nuit, le vent rentre de l'est. Je vire plusieurs fois dans les vents tournants sous l'île d'Elbe, tout en surveillant les nombreux cargos et ferrys qui passent.

Mercredi 22 septembre
Le vent remollit dans la matinée, je renvoie le génois (voile d'avant de 15 mètres carrés dont le nom provient de la ville de Gênes). Sur ma droite, l'île de Montecristo me donne l'impression de ne pas avancer : quelque soit l'endroit d'où on la regarde, elle a le même aspect — un cône sombre et sinistre couronné d'un petit nuage. J'effectue mon premier positionnement astronomique en prenant des relevés le matin et le midi (solaire). En début d'après-midi, la pétole (le calme plat) revient puis le vent tourne au nord et je suis à nouveau sous spinnaker. Je croise le groupe de prototypes : le quatrième est Mathieu de Sète ; en fait Jon est rentré à cause d'un problème de pilote. Discussion météorologique par VHF (moyen de communication radio en mer) : le mistral souffle très fort en Provence et atteint même l'ouest de la Corse et de la Sardaigne. Ils songent sérieusemenent à aller se réfugier à Bastia. J'effectue le tour de l'île de Giannutri en début de nuit, avec plein de manoeuvres pour suivre les rotations du vent.

Jeudi 23 septembre
Après avoir tiré des bords (zigzagué pour remonter contre le vent) dans un vent de nord-ouest faiblissant, je me rerouve au portant dans un bon vent de sud. J'ai la flemme d'envoyer le spi, mais bien m'en prend car le vent forcit encore. Mon moral n'est pas au mieux : je médite (pour ne pas dire je marine) toute la journée quant à la situation météo ; dois-je m'abriter ? Dois-je affronter le mistral ? Le sémaphore (par VHF) puis Manuel (par téléphone) me confirment les prévisions. En particulier, le mistral ne touche que le sud-ouest de la zone Ligure (entre Corse et continent). J'examine les conséquences d'un arrêt : le coup de vent de nord-est prévu sur le nord et l'est de la Corse (une dépression venant de la Côte d'Azur) me bloquerait à Bastia ou à Maccinagio pendant deux ou trois jours. Je décide de rester en mer et de tirer le bord rapprochant du continant. Le vent tombe complètement un peu avant le cap Corse ; heureusement qu'un léger courant qui porte vers le nord permet d'avancer. Je trouve le paysage lugubre et sinistre. Le navire à grande vitesse que je viens de croiser est déjà à l'horizon et la houle de sud-ouest se fait déjà sentir. J'ai rangé le bateau et tout immobilisé : nous allons être bien secoués. Le vent forcit un peu : nous sommes au près (remontons contre le vent) dans force 5.

Vendredi 24 septembre
Le vent a mollit au petit matin, et maintenant il n'y a plus un souffle. Je réalise que je suis dans le centre de la dépression (l'œil du cyclone en modèle réduit) et je décide d'avancer, autant que possible, vers le nord pour m'en dégager et me retrouver dans des vents portants. La mer est lisse comme un miroir, mais la houle de deux ou trois mètres malmène le bateau. Trois heures d'immobilité absolue. L'impression sinistre de calme avant la tempête est accentuée par une lamproie qui se colle à la coque et que je n'arrive pas à chasser. Je profite des éclaircies pour un deuxième positionnement par sextant, mais je ne finis pas le calculs, atteint par un horrible mal de crâne — cela me rappelle un vieux slogan : pas de cervelle, pas de mal de crâne. Heureusement en fin d'après-midi le vent rentre de nord et l'action commence. Je prends un ris puis je passe du génois au solent (je diminue la surface de toutes les voiles). Pour ne pas que l'on s'inquiète à terre, j'appelle le CROSS (centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) pour donner ma position car je suis hors de portée de téléphone des côtes. Le vent tourne au nord-est et j'empanne. Je suis assez content car les orages semblent rester à la côte. Le deuxième ris pris, nous avançons encore à huit noeuds dans ce petit force 7. Des dauphins s'amusent autour du bateau et jouent à saute-mouton sur les petites déferlantes. Un petit somme et me voilà réveillé par le bateau qui s'est couché : un orage est sur nous ; j'affale la grand-voile et je m'abrite de la pluie torrentielle à l'intérieur. Alors que j'essaie de trouver le sommeil, je sens le bateau partir au surf, rattraper la vague précédente dans laquelle il se plante méchament puis se couche. Je sors remettre en ordre : j'affale le solent pour éviter de l'exploser mais j'ai la flemme d'établir le tourmentin et de me faire complètement tremper ; je mets Totem en cape sèche (sans aucune voile), barre sous le vent.

Samedi 25 septembre
Nous dérivons gentiment à 3 ou 4 noeuds, à peu près dans la bonne direction. Au moment où je commence à trouver le sommeil, mon détecteur radar sonne : un cargo est à proximité. Je suis obligé de me rhabiller et de réfléchir à comment manoeuvrer au cas où. Finalement le cargo passe assez loin et je peux enfin dormir du sommeil du juste. Quand je me réveille, il n'y a plus qu'un bon force 7 et je rehisse le solent, mais la bastaque qui est passée devant le guignol (éléments du grément) m'empêche d'envoyer la grand-voile ; je n'arrive à la dégager qu'au petit matin. Le vent s'établit graduellement au nord-ouest puis à l'ouest au moment où j'arrive aux îles d'Hyères. Je passe au nord pour m'abriter de la mer levée par le mistral, et je manoeuvre toute la journée : prise de ris, largage de ris, virement... pour suivre les variations en force et en direction du petit mistral (force 6). J'emprunte la petite passe, entre la presqu'île de Giens et Porquerolles peu après la tombée de la nuit et je me retrouve dans une houle d'ouest de deux à trois mètres. Je tire des bords le long de la côte pour rester dans des vents maniables (force 5 à 6).

Dimanche 26 septembre
J'atteins le large de Marseille au petit matin. Le vent forcit graduellement : je prends le troisième ris puis j'établis le tourmentin (voile de tempête — la tourmente lui a donné son nom). Il y a maintenant force 8 (force pour laquelle le vent casse des branches) et la mer est blanche. En milieu de matinée, Totem commence à être surtoilé ; je vire pour me rapprocher de la côte et m'abriter. Un peu inquiet, je réfléchis à une escale : Marseille serait dangereux et il faudrait rebrousser chemin vers la Ciotat. Je téléphone à Manuel qui me rassure en confirmant les prévisions météo. Je décide de faire un détour le long de la côte pour rester dans des conditions fréquentables. Au large de Fos sur Mer, un petit pétrolier fait route sur moi ; j'attends de voir s'il se déroute : les vagues ne dépassent pas les deux mètres, ce qui ne perturbe pas trop les radars et je dois être visible avec mon joli tourmentin orange fluo ; je finis par virer en pestant — ils imaginaient sans doute qu'il ne pouvait pas y avoir de petit bateau en mer par ce temps-là. Le vent mollit et je remets de la toile. Je me fatigue inutilement car ça se renforce aussitôt après. Je passe la bouée du Golfe du Lion en soirée, sous solent seul dans un bon force 7 d'ouest-nord-ouest. Je suis un peu déçu car la route vers l'Espagne est quasiment au travers : nous ne battrons pas de records de vitesse.

Lundi 27 septembre
J'ai fini par établir le tourmentin pour épargner le solent. Etant au travers, Totem avance tout seul barre amarrée légèrement sous le vent, ce qui permet d'économiser les batteries. Le jour levé, j'essaie de prendre des photos de vagues bien formées de 4 mètres, mais je crains que, comme d'habitude, ça ne rende pas grand chose. Déjà l'Espagne. En fin de matinée, je passe le cap Saint Sébastien, au portant sous grand-voile haute. Je suis content : je pense être rentré à Port-Camargue dans la nuit de mardi à mercredi. Je reste à la barre car les conditions sont assez extraordinaires : on avance pépère à 7 ou 8 noeuds... puis la mer devient complètement blanche, Totem est difficile à tenir et déboule à 12 ou 13 noeuds... puis rebelote... Devant Palamos, je croise un pêcheur catalan avec qui j'échange quelque gestes que l'on peut traduire ainsi :
- Tu viens de là-bas.
- Oui, je viens de France.
- Ça a du souffler dur.
- Les conditions n'étaient pas clémentes.
- Bonne route.
- Bonne pêche.
En fait, je me sentais bien plus en sécurité sur Totem que si j'étais dans sa frêle barque catalane chahutée par les vagues. Le premier contact humain depuis le départ me fait du bien.
Comme d'habitude, la zone de transition vers le régime météorologique de la zone Baléares est laborieuse : les manoeuvres se succèdent et toute la garde-robe (toutes les voiles) de Totem est passée en revue. Je me retrouve enfin à tirer des bords vers Barcelone, dans un petit vent de sud-ouest de force 3. En parallèle, je consacre une bonne partie de l'après-midi à nettoyer et à asécher l'intérieur du bateau et mes vêtements : c'est la première fois depuis quatre jours que les vagues ne montent pas sur le pont. Je nettoie également trois winchs bloqués par le sel.

Mardi 28 septembre
Nous nous rapprochons de Barcelone. L'alarme du détecteur radar sonne à nouveau, je sors la tête par la descente, mais cette fois-ci je suis agréablement surpris : le cargo est en train de changer de cap. Je pense passer la bouée vers 2 heures du matin, mais je dois attendre 5h30 car la zone de calme devant Barcelone est plus étendue que prévu. La mer est tellement lisse que je songe même m'amarrer à la bouée pour la prendre en photo.
Je repars dans l'autre sens au bon plein sous génois et grand-voile. En fin de matinée, le vent tourne au sud-ouest, j'envoie le spinnaker et Totem marche vivement à 8 noeuds. Il y a de nombreux pêcheurs : je dois estimer précisément les trajectoires pour éviter les collisions car je ne suis pas maneuvrant dans ces conditions ; il me faut au moins 5 minutes pour empanner (changer les voiles de côté par rapport à l'axe du voilier) ou affaler le spi. Une ligne de nuages signale la zone de transition vers le régime météo du Golfe du Lion. Après de nombreuses manoeuvres, je me retrouve à tirer des bords dans un petit vent de nord-est. Le vent tombe avec la nuit et nous restons pendant 3 heures immobiles devant Palamos. Je suis réveillé par le retour du vent, nous avançons lentement, entourés par plein de barques de pêcheurs. Le vent retombe au cap Saint-Sébastien.

Mercredi 29 septembre
Je suis réveillé juste avant que le vent revienne avec le soleil. Nous tirons des bords dans un vent oscillant entre le nord-est et le nord-nord-ouest jusqu'au cap Creus que nous atteignons en milieu d'après-midi. Le vent retombe. Je suis maintenant complètement amariné : je dors n'importe quand, je suis réveillé avec le vent ou quand Totem réclame des réglages, je mange bien et je lis un peu, par périodes de cinq ou dix minutes, pour me changer les idées. Le recueil d'aphorismes d'Oscar Wilde que j'ai emporté est tout-à-fait adapté à une lecture hachée. Un léger vent de nord-ouest s'établit à la tombée de la nuit. Nous avançons furtivement sous génois. Nous sommes partis pour un record de lenteur Barcelone — Port-Camargue, mais je prends cela avec patience et je reste concentré sur les bons réglages pour la marche du bateau. Je suis doublé par une énorme flottile de pêche, chaque chalutier remorquant une petite embarcation !

Jeudi 30 septembre
L'alarme radar sonne régulièrement car je suis encore entouré de pêcheurs ; je m'en accomode tant bien que mal. Au milieu d'un somme, la fréquence de la sonnerie augmente nettement... zut il faut sortir regarder ! Un pêcheur me fonce droit dessus, je me précipite sur la barre pour changer de direction et je le vois faire de même dix secondes plus tard : il est passé à 30 mètres. La chute à la mer et les collisions me semblent être les plus gros risques en navigation en solitaire. Midi, le vent est à nouveau absent. Après deux heures de sur-place, le vent s'établit au sud-sud-ouest. Le grand spi jaune est à nouveau en l'air. En milieu d'après-midi Petit Charlie n'arrive plus à tenir la barre. Comme nous somme bientôt arrivés, je décide pour une fois de ne pas naviguer sous-toilé au portant. Je prépare provisions et habits pour la soirée et je m'installe à la barre. Nous passons la bouée du Golfe du Lion en fin d'après-midi. Nous dépassons les dix noeuds au surf et c'est bien plaisant. A 20h15, alors que nous marchons à fond la caisse, j'aperçois devant une série de lumières puis un gyrophare ; l'expérience de la Mini Med m'instruit immédiatement qu'il s'agit d'un pêcheur avec un filet dérivant d'un kilomètre, pile en travers de notre route. Un petit coup de panique et une bonne dose d'adrénaline : j'affale le spi en barrant en même temps (il y a trop de mer pour Petit Charlie) et je m'arrête cent ou deux-cents mètres avant le filet. Morale de l'histoire : rester vigilant. Je n'ose imaginer la situation scabreuse où j'arrivais à fond sur le filet... J'appelle le pêcheur à la VHF et il me guide pour contourner le filet. Après coup je réalise qu'il ne s'est pas nommé car il était dans une zone côtière où les filets dérivants sont interdits. Le vent tourne au nord-ouest en mollissant.

Vendredi 1er octobre
Je prends ma place à Port-Camargue sans encombres. Je suis arrivé à 1h du matin, après onze jours, 6 heures et 40 minutes de mer. Je suis heureux d'avoir fini le parcours, qui s'est très bien déroulé étant donné une situation météorologique complexe.
Je me remets à la vie de terrien sans trop de difficultés ; seules séquelles : je remarque les jeunes femmes plus que d'habitude et je me sens mal au milieu d'une foule. J'envoie mon livre de bord, les calculs astronomiques et les photos à la classe mini. Une semaine plus tard, j'apprends avec joie que mon mon parcours est validé par la comission de qualification.
 
Première tentative — 24 et 25 août 2004
Parti en début d'après-midi de Port-Camargue, j'ai choisi d'aller d'abord vers l'Italie, pour éviter une forte tramontane au cap Creus au revenant de Barcelone. Je passe l'après-midi et la soirée à manoeuvrer mollement dans du vent de nord-est, de sud-est, de sud, de nord, et je n'ai pas dépassé Beauduc. Dans la nuit, le vent rentre d'ouest et j'envoie le grand spi. Je vais me coucher et je me réveille une petite heure plus tard en sentant le bateau se comporter bizarrement. En effet, le spi est enroulé serré autour de l'étai (cable soutenant le mat et fixé sur l'étrave). J'aurais du hisser le solent ! Pour corser le tout, le vent est monté à un bon force 5. Je mets une heure à m'en dépêtrer, content de m'en tirer seulement avec une déchirure de 50 cm du spi. Le vent continue à monter et je prends un ris pour soulager le pilote. J'essaie de me reposer, mais je suis souvent réveillé par des empannages intempestifs ou par le Mer-Veille (détecteur radar). En fait je n'ai pas encore récupéré du mariage où j'étais le week-end précédent. Dans la matinée, il y a un force 7 bien tassé ; j'ai déjà dépassé le cap Sicié. Je ne prends pas plaisir à la barre car  le bateau est sous-toilé, et le pilote ne se débrouille pas très bien. Je commence à me demander ce que je fous là. La météo annonce 8/9 et il y a déjà au moins une force de plus que les prévisions pour la matinée. Je suis un peu pris à froid et je n'arrive pas à m'imaginer continuer. Un peu avant Porquerolles, je décide de m'arrêter — en fait d'arrêter le large en solo. Je fais demi-tour et je rentre à Toulon. Dans la nuit, les embruns volent dans le port et je ne regrette pas de m'être arrêté. Après un tranquille retour à Port-Camargue, je commence à remettre en cause ma décision. Et me voilà prêt à repartir. Mais je sais qu'il faudra que je fasse attention à ma préparation mentale.